Patañjali – mythes et légendes

Introduction

Si vous faites du yoga, votre professeur a fort probablement mentionné un jour le nom de Patañjali, généralement associé aux Yoga sūtra, texte fondateur du yoga. Ou vous avez récité des mantras en son honneur en début de séance.

Patañjali est un sage qui a grandement contribué au fondement philosophique indien. C’est un personnage hors norme avec d’immenses connaissances dans divers domaines. Il fait d’ailleurs l’objet de plusieurs invocations décrivant son apport et ses attributs. Et pourtant, on ne sait rien de la personne elle-même. Selon les sources, on situe sa vie et son œuvre entre 250 av. J.-C. et 400 après J.-C. (avec un penchant pour le 2e s. av. J.-C., mais sans certitude aucune). Aussi bien dire que le bonhomme sait faire le grand écart ou il a le don d’ubiquité et une méchante capacité à se réincarner!

Multiples personnalités

Patañjali, c’est le genre auteur mystérieux et omniprésent; il porte plusieurs chapeaux. Patañjali est le patron saint de la dance et les danseurs traditionnels classiques l’honorent aussi dans des invocations. On dit qu’il était un danseur accompli. Il était un grand professeur. Puis il y a le Patañjali psychologue, le Patañjali grammairien et le Patañjali docteur. En effet, on lui attribue trois ouvrages fondamentaux qui aident les humains à alléger trois grands problèmes de la vie :

  • Le yoga pour éliminer les imperfections du mental, donc permettant la paix mentale ;
  • La grammaire pour éliminer les imperfections du langage, donc permettant une meilleure communication entre les êtres humains ;
  • La médecine pour éliminer les imperfections du corps, donc permettant de conserver un corps sain.

Les érudits débattent à savoir s’il s’agit d’une seule et même personne. Certains savants disent que ce sont trois écrivains différents parce que le style de chaque traité est différent. L’écriture des Yoga sūtra s’échelonnant sur une longue période, des experts disent qu’il y a eu plusieurs auteurs, tous appelés Patañjali par commodité. Ceci dit, ils semblent s’accorder pour dire que le style des Yoga sūtra est homogène. Sauf certains qui doutent que le dernier chapitre ait été écrit par la même personne parce qu’il est plus court, d’un style différent…

Yoga sūtra

Patañjali a codifié le yoga donc. Attention, il n’en est pas l’inventeur. Il a été prouvé que le yoga existait bien avant lui. Patañjali a colligé ou plutôt il a fait une synthèse des méthodes et approches de yoga de l’époque sous forme d’aphorismes. L’ouvrage s’intitule Yoga sūtra de Patañjali, tout simplement. Il comprend 195 aphorismes (parfois 196, comme quoi personne ne s’entend complètement!), divisés en quatre chapitres.

Patañjali l’humain

Donc nous savons ce qu’il a fait, mais on ne sait pas qui il était ni où il est né, où il a vécu. Qui était ses parents, ses professeurs, qu’est-ce qu’il a étudié, quel a été son parcours? Rien. Nada. Zilch.

Souvent quand on n’a pas de réponses concrètes, on les invente dans des histoires. L’Inde semble être particulièrement encline à mystifier les héros et les personnes extraordinaires, croyant qu’ils ont forcément dû être aidés par une main divine, amplifiant de fait leur aura magique. Les mythes et les histoires apportent une profondeur à notre culture, notre savoir et notre expérience.

L’histoire de la naissance de Patañjali a donc pris des dimensions mythiques et expliquent également son nom. Dans la mythologie Indienne, Patañjali est considéré comme l’une des incarnations du roi des serpents, Adishesha ou Ananta, qui symbolise la sagesse et la transformation. Je vous rassure, il a quand même pris une forme humaine pour écrire ses traités. J’adore les histoires et la mythologie. Je vous raconte?

Légendes et mythes

Chaos

Une légende du folklore indien raconte que Patañjali est venu mettre de l’ordre au chaos sur Terre. Elle est racontée dans la traduction et les commentaires des Yoga-sūtra de Patañjali de Frans Moors, mon professeur de formation et post-formation en yoga.

Il fut un temps où les hommes étaient en grande souffrance et le chaos régnait sur Terre. Les hommes étaient incapables de communiquer, ils étaient affligés de beaucoup de problèmes physiques et d’une grande instabilité mentale. Alors le peuple désespéré demanda aux sages de faire quelque chose pour les aider. Quelques sages s’installèrent alors en méditation joignant les paumes de mains de façon à former une coupe dans laquelle on pourrait recevoir quelque chose de spécial. Ils implorèrent l’aide des forces supérieures. Un émissaire spécial, mi-homme mi-serpent, leur fut envoyé. Patañjali signifie « celui qui est descendu (pat) dans les mains implorantes en forme de coupe (anjali). Et voilà qu’ils se sont retrouvés avec trois ouvrages dans les mains, un traité de médecine, une grammaire et les aphorismes sur le yoga, soit les connaissances pour se libérer de la souffrance.

Gonika et Shiva

Il y a également l’histoire de Gonika et Shiva qui me plaît beaucoup. J’en ai trouvé une version courte dans le livre Light on The Yoga Sūtras of Patañjali de Iyengar. En fait, c’est fort probablement extrait du Patañjali Caritam, écrit au 17e siècle par un poète indien appelé Ramabhadra Dikshitar et dont Patañjali est le personnage central. Le texte comprend huit chapitres et environ 600 versets. Il s’agit d’un mélange d’histoires et de légendes traditionnellement connues sur Patañjali et de l’imagination du poète. Srivatsa Ramaswami, qui enseigne le Vinyasa krama yoga, en a fait l’adaptation en anglais dans son livre Yoga for the Three stages of Life. Pour avoir suivi son enseignement, je peux dire que Srivatsa Ramaswami aime bien raconter des histoires.

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L’histoire raconte que Vishnu, reposant sur Adishesha, regardait la danse envoûtante de Shiva. Il était si absorbé que son corps commença à vibrer au même rythme. Cette vibration le rendit si dense et si lourd que Adishesha en a été déstabilisé au point de presque s’effondrer. Lorsque la danse prit fin, le corps de Vishnu redevint léger. Adishesha surpris demanda à son maître les raisons de ce changement. Celui-ci lui expliqua que la grâce, la beauté et la majesté de la danse de Shiva avaient créé les vibrations correspondantes dans son propre corps, ce qui le rendit exalté. Entendant cela, Adishesha, lui-même serviteur loyal de Vishnu et grand admirateur de Shiva, demanda à son maître s’il pouvait apprendre la dance divine pour plaire à son maître. Vishnu lui répondit que c’est ce que lui avait ordonné Shiva, qui désirait que Adishesha se réincarne en humain, voit la danse de Shiva et puis écrive un commentaire détaillé sur la grammaire sanskrite. Adishesha commença donc à chercher une famille convenable pour naître. Il arriva dans une forêt paisible où Gonika méditait afin d’avoir un fils. Gonika, une grande yogini, sentait sa fin approcher et voulait transmettre son savoir. Malgré ses recherches, elle n’avait jamais trouvé un fils digne de recevoir ses connaissances. Elle s’est tournée vers le dieu du soleil. En offrande, elle pris de l’eau dans ses mains en formant une coupe, ferma les yeux et médita. Quand elle ouvrit les yeux pour faire son offrande, elle vit bouger au creux de ses mains un petit serpent, qui se transforma en petit humain. Gonika l’adopta comme son fils et le nomma Patañjali. C’est aussi pourquoi on le nomme aussi parfois « Gonikaputra » qui signifie « fils de Gonika ».

Conclusion

Voilà, on connaît peu de choses sur Patañjali lui-même, mais au fond, ce n’est pas important. Les histoires sont belles et les Yoga sūtra qu’on lui attribue sont toujours d’actualité.

Je disais plus tôt que les mythes et les histoires apportent une profondeur à notre culture, notre savoir et notre expérience. Le symbolisme qu’elles peuvent représenter ajoute aussi de l’épaisseur au sens des histoires, à la philosophie. Il est vrai qu’on peut faire dire ce que l’on veut aux symboles et que les interprétations varient selon la culture et les croyances de chacun. Chacun peut y puiser une inspiration pour l’aider dans sa pratique. Pour moi, l’incarnation des qualités d’une posture, donc son symbolisme, fait partie intégrante de la pratique de yoga. J’aborderai l’imagerie de Patañjali et son symbolisme dans un autre article.

Sources

  • Yoga-sūtra de Patañjali, Traduction et commentaires par Frans Moors aux édition Les Cahiers de Présence d’Esprit
  • Yoga for the Three Stages of Life de Srivatsa Ramaswami aux éditions Inner Tradition
  • Light on the Yoga Sūtras of Patañjali de B.K.S. Iyengar aux éditions Thorsons

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